Lycées agricoles vs Zones agricoles Communales (ZAC) : Le dilemme stratégique du Bénin
Une contribution d'opinion de Sylvain Ifêdé Djagbo, économiste et directeur de Job Booster Bénin
Alors que le Bénin ambitionne de moderniser son agriculture, une question stratégique se pose : faut-il investir massivement dans la formation de cadres agricoles à travers la construction de plusieurs Lycées agricoles, ou privilégier la mise en place de zones agricoles dans chaque commune pour produire et créer des emplois immédiatement ?
Ce dilemme met en lumière deux temporalités du développement : celle de l’urgence productive et celle de la préparation de l’avenir. Dans cette tribune, M. Ifêdé Sylavin Djagbo, économiste, spécialiste en analyse de projet et Directeur de ”Job Booster Social Enterprise Benin” donne son avis.
Impact direct sur la production et la sécurité alimentaire
La création de ZAC s'articule autour de la mise à disposition de terres agricoles cultivées et sécurisées. Elle permet aux jeunes agriculteurs et aux passionnés d'agriculture en particulier d'avoir accès à des terres fertiles, à l'irrigation, à des routes agricoles et à des conseils techniques. Cette approche permet d'augmenter rapidement la production de cultures vivrières et de cultures de rente, contribuant ainsi à la sécurité alimentaire et à l'amélioration des revenus.
- L'initiative et l'appropriation locales : Les ZAC s'inscrivent dans la politique de développement local et de décentralisation. Les municipalités jouent un rôle actif dans la conception et la promotion de l'agriculture dans leur région. Elles peuvent ainsi répondre aux besoins locaux et coopérer avec les acteurs locaux.
- Solution au problème foncier : L'accès à la terre agricole est souvent un obstacle majeur au Bénin, en particulier pour les jeunes et les femmes. En mettant à disposition des parcelles de terre et en les sécurisant juridiquement, les ZAC apportent une solution concrète à ce problème.
- Utilisation d'un potentiel sous-exploité : Les ZAC permettent de mettre en valeur des terres fertiles mais jusque-là inexploitées, comme par exemple dans la vallée de l'Ouémé, où de nombreuses potentialités restent inexploitées par manque d'organisation ou d'infrastructures.
- Incitation à l'esprit d'entreprise : Ces zones visent à encourager une forme d'agriculture plus entrepreneuriale, avec des unités agricoles plus grandes et plus étroitement liées au marché.
- Des solutions rapides aux goulets d'étranglement existants : Les ZAC fournissent une assistance directe aux agriculteurs pour des problèmes urgents tels que l'accès à l'eau, aux intrants et aux marchés.
Le rôle et les limites de la LCEA agricole
Les lycées agricoles sont essentiels à long terme : ils forment les jeunes à devenir des professionnels et des entrepreneurs de l'agriculture. Pourtant, plusieurs raisons expliquent qu'ils soient moins efficaces que les ZAC :
- Longue période de formation : Les résultats de la formation mettent des années à se matérialiser, tant au niveau de la production que de l'impact économique.
- Inadéquation avec le marché du travail : Le lien entre le programme d'études et la demande réelle sur le marché du travail n'est pas toujours évident. C'est pourquoi le gouvernement béninois travaille actuellement à la réforme de l'enseignement professionnel.
- Coûts d'investissement élevés : La construction et l'équipement de lycées modernes nécessitent des moyens financiers importants.
- Capacité d'absorption limitée : L'économie devrait également être en mesure d'offrir aux diplômés un emploi ou un espace entrepreneurial.
Conclusion
L'agriculture est vitale pour l'économie du Bénin. Le secteur représente près de 28,5% du PIB et emploie une grande partie de la population. Il est donc crucial que le pays choisisse des stratégies qui génèrent un impact économique et social maximal.
Les liaisons agricoles sont importantes pour l'avenir et la professionnalisation du secteur. Mais les zones agricoles municipales offrent une approche plus rapide et directe qui conduit à la production, à la sécurité foncière et à l'amélioration des conditions de vie des agriculteurs. Elles s'appuient sur le potentiel existant et encouragent le développement à partir de la base.
Il est probable que la politique agricole du Bénin tentera d'équilibrer ces deux approches : d'une part, l'ambition d'avoir 30 liaisons agricoles opérationnelles d'ici 2025 ; d'autre part, l'investissement dans les ZAC pour un impact direct et visible sur le terrain.